Né le 4 octobre 1929 à Paris d'une famille maternelle enracinée à Cieux,en Limousin, et paternelle originaire
du port ensablé de Brouage , en Saintonge, d'où Champlain partit fonder le Québec.
Toute l'enfance du jeune Maurice Gravaud-Lestieux est vécue à Sadirac près Bordeaux (33) au milieu des vignes, avant qu'il ne gagne Paris, ville avec laquelle des liens prégnants se sont tissés depuis le lycée Condor- cet, la Faculté de Droit et le Centre de formation des Journalistes, lieu d'un apprentissage privilégié du monde et de la vie. Débuts dans la presse écrite puis carrière dans la fonction publique au ministère de l'Intérieur puis à celui de
la Culture , qui l'ont conduit à de nombreux et brefs mais significatifs déplacements sur tous les continents avec des responsabilités qui l'ont placé aussi bien au coeur de l'événement que dans la proximité du quotidien. Son épouse lui ayant fait découvrir les Alpes, la montagne tient également une part importante dans ses choix, ses références, ses horizons. Ses fils et sa fille, dit-il, réalisent, dans leur vie professionnelle, des vocations qu'il aurait aimé accomplir :
l'architecture, le journalisme et l'action sociale pour le " mieux vivre sa ville " de chaque homme, chaque femme, chaque enfant.
Maurice Lestieux " entre en poésie " en 1965 sous l'égide des " Nouveaux Cahiers de Jeunesse " de Jean Germain ( La Marivole, 1965, Faux-départs, 1967, J'entrerai dans la ville, 1971,
Rencontre, 1970, Espérer,1980 ).
A partir de 1989, dans la Collection Jalons de Jean-Paul Mestas, Il publie successivement : Laissez le temps en liberté (1989), Demain un autre jour (1990) ,Demeures de lumière (1992), Il doit y avoir un chemin (1997).
Ces ouvrages font tous une large part à l'illustration par des artistes comme Chris Mestas, Sophie Rousseau ou Patricia Sarne. Parallèlement il publie Projection, catalogue d'exposition du peintre Véronique de Guitarre ( Editions Fontaine-Daynac à Poitiers 1994 ) et avec la même artiste " Fragments de Terre " préfacé par Jean Rousse- lot.
Dans la collection des " Cahiers de poésie " fondés en 1989, à côté d'une revue qui compte vingt numéros, il fait paraître, entre autres, les recueils suivants : Fascination d'Hatshepsout. Stèle pour une Reine (1991) Sur le seuil de l'atelier : Lucile Passavant, élève de Maillol 1993, Poèmes pour un enfant à l'automne (1994), Eloge du philosophe (1996), Genesis Sur l'oeuvre du sculpteur Hil- de Van Sumere (1997,) Millesime 98 à Rochefort - sur - Loire (1998), Ailes de papillon.Sur quelques toiles de Bonnard.(1999),
Photographie ; écriture de lumière (1999).
Pour le théâtre, il écrit : Nicolas Flamel ou l'or de Dieu (1984) Akhénaton, Préface de SergeBrindeau (1985), Péguy contre Sorel (1986), Un certain Simon de Cyrène (1996).
Connaissance
1
***
La terre, nous commencions à savoir
par quelques inventaires, quelques cris
arrachés aux entrailles, quelque apnée
dans les abysses et sur les sommets.
Se désagrégeait le mystère. Oh! certes
l'on prenait le saphir pour diamant
parfois, la résurgence pour la source,
l'ivraie pour le bon grain et la paillette
pour l'or. Notre regard nous décevait
mais nous avions étalonné nos rêves.
2
***
Interrogées à mi-silence, les fleurs
avaient presque délivré leur parfum
comme une épiphanie de la couleur,
les fruits disaient l'alchimie des saveurs,
l'herbe, entre quelque pavé persistant
proclamait la force de ses rhizomes,
et la mousse bleue confiait au rocher
l'alchimie de nos battements de coeur.
A peine tout cela répondait-il
à la légèreté de nos questions.
3
***
Des planisphères même élaborés
sur nous, nos vaisseaux et leurs croisements,
sur nos longs cheminements intérieurs
en un éclair parcourus, sur l'ardeur
de nos fièvres, le gel de nos mémoires.
Ce que nul ne savait nous l'inventions
à partir de l'arsenal du chercheur
et de l'imaginaire du poète
car nous avions perdu la connivence
de notre aventure et de l'univers.
4
***
Mais le ciel ! On eut beau par les nuits claires
Epouser l'herbe à plat dos. Dessiller
les yeux. Faire l'oubli des pesanteurs.
Décliner quelque projet d'infini :
silence dans le vacarme absolu
de l'intersidéral. Comme un refus.
Plus loin porte notre regard, toujours
plus loin gît l'origine et le secret.
Nous avons tant cherché comment
et non pour quoi et non vers quoi!
ORIGINES
I
Eternité
Un rêve d'éternité nous habite
car nous avons bâti sur le désert,
sur les forêts décimées, sur les glaces,
nos demeures d'amour et de labeur.
Car nous avons maîtrisé cette terre,
comme l'ordre nous en fut délivré,
entrepris de reconnaître l'espace
receleur d'origines et de fins
et nous refusons, d'un bord ou de l'autre
de nos chemins, les querelles futiles.
II
Océan
Comprenne qui pourra ou qui voudra
car je ne suis marchand de clés ni d'or
mais compagnon d'alouette et de vent
qui souffle le chant seulement reçu:
L'appel des cigales l'emporte donc
à travers le faseillement des feuilles
et l'accord silencieux des lavandes.
Il subsiste ce parfum toujours qui
trahit notre origine d'océan
ou de marais, qu'importe la distance.
III
Humilité
Prendre de la hauteur sans oublier
l'odeur et le poids de la terre sur
la biche qui la partage et la rassemble
pour l'enfouissement des herbes vaines
que l'humus accueillera sans mépris.
Alors, dans l'humble silence tressé,
renaîtra l'ordonnance des sillons,
l'éveil préliminaire de la graine
avant l'habile déploiement des spires
et, plus tard, la profusion des vergers.
IV
Pesanteurs
L'athlète et le chercheur en nous sommeillent
sans nul débat. Trouver et conquérir
pour gagner quoi ? Guérir ce mal d'espace
cette prégnance de savoir. Courir
par des allées complices vers le but
suprême. Survivre, et, s'il se peut, vaincre
les pesanteurs de nos corps, de nos âmes.
Nous évader vers le haut, seul espoir.
Quelque chose résiste à nos questions,
de l'ordre de l'angoisse ou du mystère.
V
Harmonie
Certains matins l'on pressent l'harmonie
entre l'infini de la molécule
et la cohérence de l'univers.
Comme un éclair, comme un jaillissement
flamboie. Puis l'on passe aux choses qui courent.
L'on ne s'étonne plus de l'homme vertical,
de son aptitude à choisir sa route,
de quelque habileté du liseron
ou du sable captif de la marée :
L'on ne s'étonne plus de rien, jamais.
VI
Sillons
Sillons de terre, d'océan, de ciel,
Unique plaie dont nous sommes l'auteur :
Il faut toujours séparer pour renaître,
trancher dans l'écume des mers, le vif
des mots, la chair de l'humus. Retourner
cette étrave d'acier ou de sève.
Le soc au reflet d'azur s'insinue
sous la racine avide de lumière.
Ainsi nous sèmerons, non sans douleur,
cette espérance couleur d'améthyste
Lumière
Soulevée la pierre du silence
moussue de temps
lavée des vents
Voici le cristal offert
Le rayon favorable assemblé
Dans la cohérence du jour
Lumière
Parole d'éternité.
Clarté
Rayon de bonheur. La poste apporte
le signe du souvenir présent.
Lumière dans l'ombre. La joie.
Vaincre nos silences d'un appel
vers le jour qui point, nouvel espoir,
vers l'unanime vibration, l'urgence
de la parole, de la couleur.
La vie, n'est-ce pas, que vous souhaitez
si juste, si généreuse et belle,
vous qui posez le regard et l'âme
sur le monde: tout devient clarté.
Un jour, une année, une ville
Approche de ville
La rumeur grandit. L'azur
s'élève : matin.
Pistes d'envol. Voies
de garage fissurées.
Brin d'herbe au printemps
Le géranium
intercède pour l'été.
Chaleur de la pierre
Marronnier plus haut
que la rangée. Le guetteur
annoncera l'automne.
Vitrages sans tain
La verticalité nue
Promesse d'hiver.
Rougeur sur le front,
La nuit réclame silence.
Le trottoir se tait.
Comète
Nous avons guetté la comète. Comme
un signe, une origine, une promesse.
Flagrante poussière d'eau et de flamme,
à quelque nébuleuse dérobée,
se hasardant à l'entour du soleil.
Bien plus de cinq milliards d'années encore,
dit-on, pour que la pervenche y fleurisse.
Extrait de Il doit y avoir un chemin
Mériter
Mériter la terre au parfum d'humus
et la fontaine où s'épèle le jour
avec l'hésitation brève du sage
et l'océan receleur de promesses
ou d'îles non encore émergées.
Mériter le vent le plus exigeant
levé de la nuit, souvenir d'étoiles,
et ta confiance choisie, femme,
qui sais la priorité du secret.
BRIN D'HERBE
Au brin d'herbe nous ferons allégeance
car il nous jugera sur nos égards
lui qui tient la raison du monde
enclose et le secret originel
de l'homme et de la pierre indissociés.
Nous le sacrifierons non sans cérémonie
pour les fêtes endiablées du solstice.
Extrait de " Il doit y avoir un chemin "
Wednesday, October 3, 2007
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